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Mon accouchement en 10 phrases

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« Et avec ceci, madame ? »

Me répondit la boulangère, unique témoin de ma première contraction douloureuse absolument fulgurante. Pliée en deux devant d’elle,  je m’attendais à quelqu’un chose d’un peu plus grandiose, quand même. Un bras levé, un air affolé, et un cri « A l’aide, venez vite, cette femme accouche ! » aurait parfaitement satisfait mon fanatisme de séries américaines. Mais le flegme français l’a emporté.

 

« T’es sûre que je peux pas finir ma partie de Mario Kart? »

Mais bien sûr que si, chéri. Certes, je suis nue sur le carrelage de la cuisine, je pleure, j’ai des contractions toutes les 40 secondes, et je commence déjà à pousser hors de moi ton héritière. Mais prend ton temps : je m’entraine.

 

« Service Maternité bonjour, Steven LE  Sage-Femme à votre écoute ».

Ça, ça fait peur. Une peur irraisonnée, imbécile, absurde. Mais peur quand même, quand la douleur nous a déjà suffisamment désoxygéné le cerveau.

 

« Bon ben, vous habitez pas trop loin de la clinique ? Parce qu’au pire, passez vite fait à tout hasard, enfin juste si vous voulez »

Oh ben non, ça fait un peu chier, là, de passer. Avec les spasfons inefficaces, les contractions toutes les 30 secondes, la poussée qui commence, je me sens pas trop de venir. Et puis vous avez raison, à 6 jours du terme théorique, ça doit être une bonne gastro ça monsieur. Chochote que je suis ! Non ben je vais plutôt me faire une camomille et me mater la saison 6 de Desperate Housewives, excusez moi de vous avoir dérangé.

 

« Bonjour madame, vous venez pour un accouchement »

Non, je viens rendre visite à ma cousine. J’ai pensé que 23h30 était une heure plutôt adéquate, comme ça au moins son chiard serait endormi et on pourrait discuter tranquilles. J’ai d’ailleurs été surprise de trouver l’entrée principale fermée, c’est quoi ces horaires d’avant-guerre ? Mais je ne me suis pas démontée et je passe par les urgences, qu’à cela ne tienne !

Et si je pleure en tenant mon ventre proéminent, c’est juste que je m’entraine à lui témoigner ma solidarité et mon emphase quand j’entrerai dans sa chambre, faites pas attention.

 

« Donc vous enlevez tous vos vêtements, et vous mettez cette blouse. Tout, même votre culotte. »

Pardon ? Qu’entends-je ? Des semaines de préparation à l’accouchement,  des mois à surfer sur le web, et personne n’aurait pensé à m’avertir qu’il allait falloir retirer mon slibard à un moment donné pour faire sortir mon enfant ? C’est abrupte là quand même, comme info.

 

 « Oui je sais là vous souffrez, c’est atroce, intenable, mais ne vous inquiétez pas tout va aller mieux rapidement, on va vous faire la péridu… ah, en fait non, c’est trop tard. Allez, courage ».

 

« Fffff, ffff, fff! »

A défaut d’une phrase, il s’agit du son émanant de la bouche édentée de l’auxiliaire de puériculture t’indiquant comment respirer, en te soufflant directement dans la tronche son haleine de koala empaillé. Je lance d’ailleurs un appel au ministère de la santé : il serait judicieux de penser à équiper les salles de naissance en brosses à dent, afin d’éviter des syncopes chez les futures mères qui, comme moi, se voient contraintes de retenir leur respiration non seulement pendant les contractions mais également entre chacune d’entre elles.

 

• « Mais enfin, madame, les bébés ne peuvent pas naître avec des dread locks, voyons ! »

Lorsque j’ai demandé à mon petit-ami rasta, dans un moment d’apaisement, d’aller voir si les cheveux de notre enfant en train de naître étaient « comme les siens », je me référais à leur couleur. Je ne m’attendais pas à ce que l’équipe médicale au grand complet suspende brutalement son activité  (à savoir m’assister dans la douloureuse expulsion d’un mammifère de 2,5 kg hors de mon vagin, un truc assez urgent quand on y réfléchi) pour me dévisager d’un air horrifié.

 

« Le sac ? Ah bah il est  dans l’entrée, chez nous. Je croyais qu’on venait juste comme ça, moi, j’ai pas pris les affaires »

Pas grave, la valise ne contenait rien d’important. Un nouveau-né  peut très bien rester nu quelques jours, surtout en début d’hiver, paraît que ça leur forge une santé de fer. Et l’appareil photo n’est que superflu. Tout comme les couches.